Par essence, la ville est adaptable. Elle se transforme au rythme des évolutions démographiques, au fil des inventions technologiques, parfois de force après une catastrophe climatique ou économique. Les aménagements d’hier sont de nouveaux potentiels fonciers à investir, le secteur Saint-Sever à Rouen en est une illustration : libéré des activités industrielles et logistiques devenues inappropriées, le quartier de la gare Saint-Sever entame une transformation profonde. Les évolutions de la société étant de plus en plus rapides, les marchés économiques fluctuant constamment, de nouvelles temporalités interfèrent avec ce processus de long terme. Comment rendre la ville plus adaptable à ces changements sans pour autant la dématérialiser ? À Rouen, le site Saint-Sever accueillera sur les berges de Seine une gare TGV dans 15 ou 20 ans. S’il est peu réaliste de prévoir aujourd’hui quelles activités s’implanteront autour de cette gare à un horizon si lointain, la question est : que faire du site Saint-Sever sans attendre la gare ? L’équipe propose de révéler dès maintenant les possibilités urbaines de cet espace, en y développant différents programmes qui fabriqueront l’identité des lieux sans présager de vocations « définitives».
La ville adaptable se joue ici à plusieurs échelles spatiales et temporelles : Le viaduc habité et, plus généralement, la reconnaissance des capacités d’évolution de la ville existante, y compris ses éléments en apparence les plus figés, mono-fonctionnels. Infrastructure hostile de prime abord, barrière épaisse entre la Seine et Saint-Sever, le viaduc du quai Anquetil est en réalité l’une des pièces maîtresses du site, libérant les berges de la circulation routière, formant un belvédère inattendu sur le grand paysage et créant deux niveaux de rez-de-chaussée sur Seine. Il est donc détourné, grignoté et habité, constituant un support significatif de l’urbanisation du site. De la même manière, une partie des hangars est réutilisée en pépinière à destination des jeunes entrepreneurs rouennais.
Des usages pionniers favorisent l’appropriation des lieux, leur nature initialement temporaire n’excluant pas la possibilité d'un développement de long terme. La souplesse et la multiplication des possibles servent ainsi la crédibilité d'un projet urbain qui n’est pas un dess(e)in figé mais un processus. Saint-Sever devient une expérience urbaine permanente, avec la complicité des habitants et usagers.
L'architecture, évolutive, repose sur une adaptabilité maximale des rez-de-chaussée à tous types d’usages et une structure suffisamment souple pour supporter les évolutions programmatiques potentielles.
Trait d’union entre le centre historique et le quartier Saint-Sever, l’île Lacroix, centrale mais enclavée, fait l’objet d’une évolution fine et progressive renforçant son identité insulaire : les liens multipliés entre les berges et l’avenue Chastellain rendent la Seine omniprésente, de nouveaux logements sont construits en berges de Seine et le parc sportif est requalifié.