La Ville Nouvelle est la marque d’une époque singulière : un projet généreux et complet répondant à la grandeur des aspirations d’alors. Qu’il soit voulu ou subi, ce modèle de ville perdure. Cependant, qu’advient-il de ce modèle lorsqu’il doit faire face à un territoire écologiquement, économiquement et socialement incertain, dont il est totalement dépendant ?
Nous estimons que continuer à faire la ville au sein d’un tel système d’emprise n’est pas tenable. Nous cherchons alors comment rendre cette ville davantage résiliente et capable de s’adapter à la juste mesure de ses besoins transitoires. Mais où et comment cette mutation est-elle possible ? Nous avons choisi de lâcher-prise sur le modèle de ville-nature à travers ce qui l’entretient : ses « espaces verts ».
À revers d’une logique d’emprise, nous explorons la déprise comme le principe générateur du projet urbain. Elle crée un vide fertile dans lequel l’allée et venue de l’imprévisible est rendu possible, un mouvement s’installe, une respiration prend place : le repli ou le déploiement nécessaires à la fabrique d’un tel territoire. Ainsi, nous définissons le projet selon plusieurs tactiques :
Déprise de la nature d’agrément et introduction d’un seuil flexible entre ville et nature
Abandonner l’entretien de la nature d’agrément permet non seulement d’en réduire le budget et la gestion, mais aussi la signification qu’elle véhicule. La mise en place d’un « Plan Stratégique de Résilience » permet de différencier trois types de milieux : « milieu à désanthropiser », « milieu à anthropiser » et « milieu réversible ».
Déprise foncière et instauration de communs
Historiquement, les « communaux » sont des parties du milieu naturel sur lesquelles les habitants ont un droit d’usage sans en être propriétaires. Le projet propose d’instaurer un droit d’usage des parcelles - éphémère, temporaire ou pérenne - en fonction du « milieu » leur étant été attribué. En proposant une stratégie de déprise foncière, le projet transforme ainsi ces surfaces stériles en ressource fertile.
Déprise de gouvernance et émergences de subsidiarités actives
C’est un mode complémentaire de gestion du foncier qui est proposé, pour une activation de ce foncier partant des enjeux locaux. L'ensemble des acteurs-ressources concernés par ce projet se chargent de la répartition, la régulation, et la gestion économique des parcelles, offrant ainsi à leur ville un nouveau levier d’action basé sur l’initiative citoyenne.
Les tactiques de déprise sur la nature, le foncier, puis la gouvernance fabriquent un projet de territoire résilient. Elles permettent de réintroduire un seuil flexible entre ville et nature, de fabriquer progressivement une économie locale et partagée, en même temps qu’un vivre-ensemble multiple et concerté. En suggérant une posture humble pour les faiseurs de villes, la stratégie de déprise permet d’installer, dans le temps et dans l’espace, les bases d’une « incertitude maîtrisée ».